La psychopathologie de la relation de service
Je n’ai pas résisté à l’envie de vous faire partager les propos et réflexions des psychanalystes, psychopathologues, sociologues, psychologues du travail, etc., en espérant que vous les trouverez suffisamment intelligibles et compréhensibles pour souhaiter alimenter la réflexion et/ou le débat pour ce qui concerne la gestion du capital humain en entreprise.
Dans l’article de Xavier de La Vega, intitulé « De la relation de service à la servitude ? », publié sur
Vous lirez :
Selon les tenants de l’emotional work, le premier (« jeu superficiel ») expose à un sentiment d’étrangeté à soi-même ; le second (« jeu en profondeur ») peut conduire à une telle identification au rôle que les sollicitations de la sphère professionnelle se cumulent avec celles de la vie privée, jusqu’à provoquer un « épuisement émotionnel » (burn out).
Livrées à l’intensification de la concurrence, les sociétés de services sollicitent de plus en plus un travail émotionnel de la part de leurs salariés. Cette tendance affleure dans le commerce de détail de vêtements, où l’on demande aux vendeurs et vendeuses de faire la différence en incorporant littéralement l’image que le magasin entend communiquer. L’attitude à adopter face au client relève de plus en plus de la prescription – le regarder dans les yeux, flirter avec lui, voire lui frôler la peau au moment du paiement -, alors que les vendeuses sont appelées à revêtir les produits exposés en magasin.
On assiste dès lors, remarque P. Molinier, à une érotisation de la relation de service qui met profondément en jeu l’affectivité du salarié, au point de brouiller la frontière entre vie amoureuse et travail.
Les phrases sont longues et parfois ponctuées de néologismes me direz-vous. Il est vrai que ceci peut nuire à la compréhension et qu’il faut être sacrément intéressé par le sujet pour ne pas décrocher.
Néanmoins, il est selon moi intéressant de noter aisément que
des psychologues du travail s’interrogent sur ce qu’ils qualifient de ‘nouvelles formes de servitude’.
Selon P. Molinier, cité dans cette article « dans la relation de service, pour moderne qu’elle soit, transparaît l’image de la domestique ».
Un jour un homme m’a dit que la notion de service, est, en France, absolument pas valorisée. Il illustra ses propos en m’expliquant qu’il suffisait d’observer le comportement des clients vis-à-vis d’une caissière lors de leur passage à sa caisse pour prendre conscience que celle-ci est parfaitement assujettie et délivre son service comme pourrait le faire un robot sans que personne ne s’en froisse.
Vous peinerez à surprendre, un échange de regard, la réponse à un sourire ou bien à une question-injonction, un remerciement, une interaction sociale normale tout simplement. En ce sens nous pouvons rejoindre l’avis des experts cités dans cet article.
Dans son pays de naissance, en revanche, la Belgique, la caissière est presque une star, à laquelle on s’adresse avec respect et avec laquelle il est apprécié d’interagir. Il en a fait son parti en préférant concevoir et vendre des produits et en refusant de s’impliquer dans la potentielle vente de services associés.
En ce qui me concerne, j’ai toujours été fondamentalement attachée et attirée par la notion de services (aux entreprises notamment) et convaincue de leur utilité dès lors que la condition de qualité est respectée et que l’offre peut, bien entendu, rencontrer la demande (dusse celle-ci être suscitée).
Je dois reconnaître en revanche, que je devais avoir perçu le défaut de valorisationde certains services dans notre culture puisque je ressentais l’a nécessité, en tant que responsable marketing, d’ajouter la mention « à forte valeur ajoutée » à celle de services !
Tout se passait comme si, le service seul, ne pouvait trouver sa légitimité, tant du point de vue de l’offreur que du demandeur.
Il y a donc en effet certainement urgence à rehausser l’image du service dans notre société mais aussi et surtout les conditions d’exercice de celui-ci dans certains secteurs d’activité.
Dans cet article, il n’est fait référence qu’aux services rendus aux particuliers (BtoC).
Intéressons-nous maintenant aux services adressés aux entreprises (BtoB).
Je pense que la relation est potentiellement moins aliénante et que ledit service est plus gratifiant pour celui qui le réalise.
En ce qui me concerne, j’ai toujours été fondamentalement attachée et attirée par la notion de services (aux entreprises) et convaincue de leur utilité dès lors que la condition de qualité était respectée et que l’offre pouvait rencontrer la demande (un des rôles du marketeur est de susciter celle-ci en cas de besoin).
Je dois reconnaître en revanche, que je devais avoir plus ou moins conscience de leur absence de valorisation dans notre culture puisque je ressentais l’importance, en tant que responsable marketing, d’ajouter la mention « à forte valeur ajoutée » à celle de services ! Tout se passait comme si, le service seul, ne pouvait trouver sa légitimité, tant du point de vue de l’offreur que du demandeur.
Pour conclure, il y a donc en effet certainement urgence à rehausser l’image du service (BtoC en priorité et BtoB ensuite) dans notre société mais aussi et surtout les conditions d’exercice de celui-ci dans certains secteurs d’activité (hôtellerie-restauration, commerce de détail, entretien-nettoyage…).
S’agissant maintenant de la délicate question du clivage entre vie personnelle et professionnelle, et plus particulièrement du « burn out » dont les exemples véhiculés par les médias ne cessent actuellement de se reproduire.
Reprenons la conclusion de l’auteur de l’article :
Si l’on peut parler de formes de servitude dans le salariat contemporain, c’est justement lorsque les délimitations entre travail et hors travail, entre vie professionnelle et sphère intime tendent à s’effacer. Les horaires à rallonge auxquels consentent les cadres, les règles de « savoir être » que les salariés sont censés exhiber ne relèvent-ils pas d’une même réalité ?
Quelle n’est pas la femme qui, après avoir connu la servitude imposée par ses chers bambins le mercredi ou bien pendant les vacances scolaires, n’a pas rêvé d’être au lendemain pour reprendre le travail ?
En fait je n’en connais que très peu. Elles sont cadres et leur statut, de fait, implique qu’elles ne comptent pas leurs heures, pourtant, elles trouvent en le travail un lieu d’épanouissement indispensable à l’équilibre de leurs deux vies, celle au travail et celle au foyer.
Quel n’est pas le salarié dont les besoins sont d’apprendre, d’évoluer, de bénéficier de la reconnaissance sociale et professionnelle auxquelles il aspire et d’être rétribué pour la quantité et la qualité du travail accompli ?
Quel est le chef d’entreprise qui, porteur du projet de son entreprise et en partie garant des conditions de réussite de celui-ci, s’octroie plus de 5 heures de sommeil par 24 h ? Parfois submergé par le nombre de ses priorités, la hauteur de ses charges et aussi la fatigue physique et/ou morale, il se laisse parfois penser qu’il est rageant d’avoir recruté des individus qui refusent d’accomplir 1/4 d’heure supplémentaire, pour le principe.
Enfin, il me semble que la perception de la servitude au travail est certainement très individuelle et « multifacturielle ». Selon l’expérience passée et le contexte éducationnel, socioéconomique, psychologique, physiologique, familial d’un individu, celui-ci éprouvera plus ou moins rapidement et plus ou moins fortement le sentiment d’asservissement au travail. Le travail devient pathogène lorsque l’anxiété, le stress, la perte de confiance en soi, les conflits interpersonnels, la démotivation… atteignent un niveau jugé ingérable voire insupportable pour l’individu. Les répercussions néfastes sur sa santé psychologique et/ou physiologique sont alors ressenties tant dans la sphère personnelle que professionnelle.
Bien qu’ils y contribuent certainement, le nombre d’heures effectuées ainsi que le savoir-être imposé au travail ne sont hélas pas les seuls phénomènes déclencheurs du burn out.
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