En finir avec la graphologie : une psy témoigne

Dans cette article « Les corrélations illusoires de la graphologie », vous lirez :

Tout comme Confucius, le graphologue fait des inférences à propos de la personnalité, en examinant des aspects de l’écriture. Dans les décennies passées, des organisations, dans le monde entier, ont commencé à utiliser les évaluations graphologiques comme aide à la décision dans la sélection de leur personnel. Le recours à la graphologie, lors de cette sélection, est surtout importante en Europe, plus particulièrement en France, où le pourcentage estimé de son utilisation varierait entre 38% (Shackleton & Newel, 1994) et 93% (Bruchon-Schweitzer & Ferrieux, 1991). Aux Etats-Unis, cette estimation s’établirait entre 500 en 1970 (Mickels, 1970) et 3000 en 1977 (Hager, 1977).

Ci-dessous le témoignage que m’a transmis un de mes contacts (psy de formation) en réaction à sa lecture de l’article « Prévenir des process de recrutement biaisés et contestables : un psy témoigne »

Ouverte d’esprit, j’ai eu une fois la curiosité de faire analyser la même page d’écriture (la mienne) par deux graphologues différents, ce qui m’a donné comme résultat deux profils… radicalement différents, pour ne pas dire opposés.

  • Dans l’un, j’étais décrite comme « une personne fondamentalement angoissée, immature, ayant besoin de se raccrocher aux autres, ne vivant que dans le regard des autres, etc. »
  • Dans l’autre, il était dit que je suis une personne décontractée, ne se préoccupant que des « vrais problèmes », indépendante, peu soucieuse de l’avis des autres, etc. »

Je vous laisse méditer !!!

Déjà oser utiliser des termes tels que « immature », « ne vivant que dans le regard des autres », « sans aucun recul ni humilité » et « indifférente à toute forme de sensibilité… c’est déjà fort !

Vous allez peut-être me répondre qu’on peut être fondamentalement angoissée et décontractée… on peut aussi dire tout et n’importe quoi !

Vous allez peut-être me dire que les deux personnes n’étaient pas de compétence égale, que l’une des analyse était plus approfondie que l’autre…

Je n’ai jamais utilisé la graphologie et n’ai jamais accepté que l’on analyse mon écriture (sauf à mon insu)… ce qui m’a valu quelques retour à l’envoyeur car « je n’étais pas capable de me soumettre à un processus normal (normal, oups normal ?) de recrutement ».

Pour tout vous dire, je ne souhaite pas, quand je recrute utiliser ou faire utiliser des techniques dont les résultats vont dépendre de la subjectivité de la personne qui va analyser un profil. Je préfère utiliser un test valide cad qui ne dépend ni de l’heure de la journée, ni de l’humeur de la personne qui le corrige, ni de n’importe quel autre facteur aléatoire, mais bel et bien  uniquement de l’outil qui procurera un résultat fiable.

Je pourrais aussi revenir sur la mauvaise foi, pour ne pas dire la malhonnêteté des cabinets qui font passer les résultats obtenus grâce à ces tests pour ceux de la graphologie… Et/ou qui mélangent tous les résultats obtenus par les différents outils qu’ils emploient (pour justifier ainsi le coût de leurs prestations… humm). Ils restituent alors au candidat un salmigondis de banalités, d’incohérences et d’éléments parfois intéressants.

Dois-je vous rappeler les résultats de cette étude qui avait été menée en psychologie (je laisse à mes collègues plus proches de la recherche ou des études le soin de retrouver les références de cette expérience) :

Y-a-t-il une corrélation entre la connaissance de soi et les résultats d’une analyse graphologique de son écriture ?

On a proposé à des étudiants d’évaluer à quel point ils se reconnaissaient dans une analyse graphologique de leur écriture. Les 200 étudiants se sont tous massivement reconnus dans l’analyse faite des quelques pages d’écritures…

Jamais ils n’avaient eu, je vous cite de mémoire « une analyse aussi juste et aussi approfondie de leur personnalité ». Vous voyez, je vais dans votre sens…

Un détail simplement : à tous les étudiants on avait donné la même pseudo-analyse qui reprenait des phrases toutes issues d’ «analyses graphologiques »… Les 200 étudiants se sont tous reconnus dans la même analyse… C’est un principe bien connu de ceux qui font l’astrologie du jour : utiliser des termes et phrases suffisamment vagues pour pouvoir s’adapter à n’importe qui…

Pour conclure

  • « Le phénomène de corrélation illusoire pourrait contribuer à l’utilisation tenace de la graphologie, malgré la preuve empirique réelle d’un sérieux doute sur sa validité. Si les graphologues, ou les clients, ont une information concernant la personnalité de l’écrivain indépendante de ce qui peut être glané de son écriture, ils tendront à percevoir des relations entre l’écriture de l’auteur des lignes et sa personnalité, même en l’absence de quelque association statistique qui soit. »
  • La psychologie et la graphologie sont des antagonismes.

Cordialement

Laure GALOIS
Gestionnaire Ressources Humaines
Titulaire d’un DESS en psychologie du travail

Pour en savoir plus sur les études faites sur la graphologie, consulter cette source.

10 réponses
  1. valérie CHENARD
    valérie CHENARD dit :

    Dans sa thèse sur la profession de psychologue du travail, Thomas LE BIANIC relate les résultats de questionnaires envoyés aux psychologues praticiens. Ces pratiques hétérodoxes comme la graphologie sont en effet utilisées; enfin, en France parce qqu’ailleurs cet usage est reconnu comme « pipeau » avec aucune validité quelque soit la méthode puisqu’il y en a plusieurs. alors, la recette du succès? C’est, en effet, pas cher pas de protocole de tests, ni de réétalonnage, ni de matériel particulier et peut même se faire à l’insue de la personne… et le pire c’est que çà dure même parmi nos rangs.

  2. Dutigny
    Dutigny dit :

     » pourquoi ne pas avoir attendu de ce temps avant de publier votre commentaire »
    Parce que ma priorité sur ce blog était de dénoncer des CR dits « graphologiques » qui ne correspondent pas au travail effectué par des graphologues dûment formés.
    Hélas, et là je vais dans le sens, bien à contre coeur, des critiques violentes, agressives qui sont adressées à la profession… n’importe qui peut se dire « graphologue »… mais certainement pas graphologue SFDG, ni GGCF.

    et je signe mes interventions de mon nom… cher troll
    C. Dutigny

  3. Minorite_
    Minorite_ dit :

    Je ne voudrais pas troller mais….

    « Quant à la corrélation illusoire… très à la mode en ce moment je m’exprimerai sur ce sujet en temps voulu.

    Catherine Dutigny, Chargée de la communication au GGCF »

    Madame Dutigny, pourrait-on savoir quand surviendra le « temps voulu » ? Parce que s’il ne viendra pas, n’en parlez pas, et s’il vient un jour, pourquoi ne pas avoir attendu de ce temps avant de publier votre commentaire ? Pour pouvoir être la première à commenter ? Du « Preum’s » corporatiste ? Intéressant…

  4. Sébastien.M7H99
    Sébastien.M7H99 dit :

    @Lionel

    tu as trouveras toutes les références des études scientifiques dans l’article que j’ai mis en lien dans mon message précédent.

    Bien à toi

  5. Lionel Ancelet
    Lionel Ancelet dit :

    Votre expérience simple et facile à reproduire (envoyer un échantillon de votre écriture à 2 graphologue différents) a le mérite de démontrer l’absence de fiabilité de cette méthode !

    Parmi les études visant à évaluer la validité de différentes méthodes de sélection des candidats, une des plus approfondies est celle de Schmidt et Hunter (1998), dont la conclusion démontre sans ambiguïté que la validité prédictive de la graphologie est quasi-nulle pour ce qui est de la performance au travail… Vous trouverez un lien vers son texte original (en anglais) en bas de cet article sur mon blog : http://cplusclair.wordpress.com/2010/02/17/le-processus-de-recrutement-qui-sont-les-recruteurs/

    Une autre étude (dont j’ai malheureusement perdu les références) montrait que des graphologues « professionnels » ne faisaient pas mieux que des individus « lambda » qui s’improvisaient graphologues d’un jour…

    Il est par ailleurs amusant (ou désolant, au choix) de constater que la France est un des seuls pays où la graphologie est encore utilisée dans certains processus de recrutement (l’autre pays étant Israël).

  6. Harold @Emploi immobilier
    Harold @Emploi immobilier dit :

    Merci pour cet article ! Ca fait plaisir de voir des prises de position contre ces pseudo-sciences.

    C’est vraiment une pratique qui m’agace fortement. J’ai déjà subi une analyse graphologique pendant un processus de recrutement et je n’en garde pas un bon souvenir. En tant que recruteur par contre, jamais je n’ai utilisé celà.

    C’est certain, lorsque je reçois des lettres manuscrites, l’écriture joue un rôle. Est-ce compréhensible déjà… :p Et est-ce qu’une attention particulière a été portée à la présentation et à l’écriture.

    Mais je dois avouer que de savoir que le procédé perdure, ça m’attriste.

  7. Sébastien.M7H99
    Sébastien.M7H99 dit :

    Ravi de lire ce billet sur la graphologie et son cinéma.
    Le seul mérite de la graphologie est d’identifier l’auteur d’une lettre type corbeau. Et, encore quand on voit l’échec des graphologues a authentifier la lettre dans l’affaire du petit Gregory.

    Les techniques utilisées par le psychologue pour l’évaluation à des fins directs de diagnostic, d’orientation ou de sélection, doivent avoir été scientifiquement validées. (Société Française de Psychologie, 2008)

    Les différentes études réellement scientifiques montre que le tout venant, le pseudo ou le graphologue ont les mêmes résultats. Certains ont dépensé de l’argent dans des pseudo-formations d’autres dans des pseudo recrutement…

    Mais comme les gens adorent qu’on leur raconte de belles histoires…l’histoire de la graphologie fait son cinéma du recrutement de 1665 à nos jours, un de nos best-off pour ceux qui souhaitent en finir avec les pratiques du moyen-âge
    http://interim.over-blog.com/article-28487382.html

    Et si on repartait en vacances…

  8. Dutigny
    Dutigny dit :

    Bonjour Laure,

    Je me demande bien qui ou quel (elle) pseudo graphologue a pu écrire cela… Les quatre premiers mots suffiraient pour une note éliminatoire à l’examen de la SFDG…
    je vous cite:

    Dans l’un, j’étais décrite comme « une personne fondamentalement angoissée, immature, ayant besoin de se raccrocher aux autres, ne vivant que dans le regard des autres, etc. »
    Quant à la corrélation illusoire… très à la mode en ce moment je m’exprimerai sur ce sujet en temps voulu.

    Catherine Dutigny, Chargée de la communication au GGCF

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