Psychologie sociale, communication & publicité

[Cet article a été écrit par Paulina Deik, stagiaire chez SpotPink]

La psychologie est trop souvent perçue comme une branche de la psychiatrie. Dans la pensée commune, les psychologues s’occupent des maladies et des troubles mentaux. On dit : Freud, complexe d’Œdipe, hystérie, névrose… Cela est vrai, mais seulement en partie. La psychologie a plusieurs branches, spécialisations et domaines de recherche. Celle qui est bien connue et qui, en effet, traite des troubles mentaux est la psychologie clinique. Les autres spécialisations de la psychologie, telle que la psychologie sociale, différentielle, développementale, expérimentale sont souvent négligées du sens commun. Or l’on trouve des applications de la psychologie dans tous les domaines de la vie quotidienne et professionnelle.

Qu’est-ce que la psychologie sociale ?

Je voudrais en particulier parler de la psychologie sociale et de son utilité dans le domaine de la publicité et communication. Qu’est-ce que la psychologie sociale ? A la croisée de deux disciplines (psychologie et sociologie), la psychologie sociale s’intéresse aux influences du psychique sur les relations que nous entretenons avec autrui, les interactions entre le psychisme et le comportement. L’étude de la psychologie sociale se fait à deux niveaux : la vision personnelle et de l’individu sur la réalité, et l’étendue de cette vision sur l’environnement social. La psychologie sociale s’intéresse aussi à l’identité, l’autorité, l’engagement, le pouvoir, la manipulation, etc.

Quel rapport avec la publicité ?

La psychologie du consommateur est une discipline dont l’objectif est de comprendre et d’influencer le comportement d’achat individuel. En marketing, pour augmenter les ventes d’un produit, les professionnels adoptent un certain nombre de techniques psychologiques. Souvent, l’individu est incité à acheter parce que l’environnement et les signaux envoyés par publicités finissent par le persuader de le faire. Vendre c’est avant tout convaincre psychologiquement un individu d’acheter.

La publicité ne nous laisse pas indifférent : elle séduit, amuse, agace, exaspère. L’environnement est très complexe. Nous recevons environ 1000 messages publicitaires par jour et nous ne sommes capables d’en traiter que 1%.  Nos ressources cognitives sont limitées et c’est aussi pour cela que la publicité simple a plus de chance d’être remarquée. L’objectif est de faire connaitre un produit et d’amener au comportement d’achat en utilisant les techniques d’engagement et d’influence. Le message est toujours transformé, traduit, interprété à la lumière des normes et des représentations sociales. A partir du moment où nous allumons la télé, la radio, où nous connectons sur l’internet ou lorsque nous nous promenons simplement dans la rue, nous sommes envahis par des images, des slogans et des publicités. Est-ce que ces images, slogans, messages ont un impact sur notre jugement et sur notre comportement d’achat ? OUI !

La publicité vise généralement une mémorisation non spontanée, mais assistée. C’est-à-dire que le « souvenir inconscient » de la publicité est censé se réactiver lors d’une situation d’achat, que ce soit dans un rayon de supermarché ou encore sur une plate-forme de commerce en ligne.

De plus, les spots publicitaires sont faits de telle façon que tout le monde (ou au moins les consommateurs « cibles ») peut s’y reconnaitre, cela active les stéréotypes. Comment on peut connaitre les consommateurs cibles ? Demandez aux psychologues sociaux : ce sont eux qui mènent les recherches dans ce domaine.

La publicité informative et persuasive

Nous pouvons trouver plusieurs types de publicité qui utilisent des concepts psychologiques, par exemple la publicité informative et persuasive. Elle s’appuie sur une conception de l’homme où le consommateur est rationnel, raisonnable et conscient. Le message parle donc au bon sens du client. Il y a un besoin à satisfaire. Le message indique et présente un produit qui vient satisfaire le besoin. On passe par les étapes suivantes : attirer l’attention àsusciter l’intérêt à provoquer le désir àdéclencher l’achat.

La publicité suggestive

On cherche toujours à savoir ce qui va déclencher l’achat. Est-ce qu’il s’agit des motivations inconscientes, des désirs inconscients inavoués, des fantasmes ? La publicité utilise alors des concepts psychanalytiques qu’elle va simplifier et transformer. La libido et la sexualité sont susceptibles de faire vendre le produit. Les produits sont alors associés à l’érotisme et on voit apparaitre les slogans tels que « pour rugir de plaisir » ou « un café nommé désir ».

Pourquoi certains slogans nous font-ils rire ?

Dans Les mots d’esprit et ses rapports avec l’inconscient, Freud explique pourquoi certaines absurdités nous font rire. Ce serait lié à une économie psychique, le plaisir lié à une économie d’effort. Il précise que dans le cas du mot d’esprit, on éprouve du plaisir car on outrepasse la censure de la raison ou de la morale. De plus l’humeur est très importante dans la rétention d’un message. Cependant l’humeur positive s’accompagne de déficits cognitifs et peut amener à des jugements faux. Les personnes qui ont le blues et qui sont dans une humeur négative vont être beaucoup moins touchées par la persuasion et ont un meilleur jugement cognitif. Paradoxalement, nous sommes plus susceptibles d’effectuer un achat lorsque nous sommes de bonne humeur. Les études ont montré que la diffusion de message dans le contexte négatif engage le traitement plus profond, mais personne ne le fera, car dans le monde de la consommation on doit reconnaitre une grande importance de l’image de la marque. Les émotions négatives risquent de nuire gravement sur cette image.

Nespresso – la suggestion et l’identification dans la pub

Il suffit qu’une célébrité recommande un produit pour que les ventes augmentent visiblement. Pour quelle raison ? Les consommateurs s’identifient a « l’ambassadeur de la marque », la célébrité en question. En 2010, la marque Nespresso utilise l’image de l’acteur George Clooney pour promouvoir son café. Jusqu’à aujourd’hui la plupart des consommateurs de Nespresso l’associent avec cet acteur.

En conclusion, la psychologie peut être appliquée dans tous les domaines, notamment dans la publicité. Les quelques exemples présentés ci-dessus ont permis de constater le rôle clé de la psychologie dans le marketing et sa probable influence sur le comportement des consommateurs.

9 réponses
  1. Blanc nathalie
    Blanc nathalie dit :

    La psychologie cognitive aussi a fort à dire dans le domaine de la publicité… la publicité constitue un matériel fantastique pour étudier le fonctionnement cognitif de l’individu ! nous avons écrit un petit livre sur les relations entre psycho et pub dont je me permets de vous recommander la lecture, sachant qu’un article évoque précisément le rôle de l’humour 🙂
    Petit coup de pub donc pour:
    Publicité et Psychologie, paru aux éditions InPress 🙂

  2. CHENARD
    CHENARD dit :

    Super! il faut diffuser et partager.
    Je l’ai vu aussi et ai vu juste après celui ci qui est bougrement complémentaire du premier. il a été diffusé la semaine dernière que France 5 : « l’argent sale, le poison de la finance » et figures-toi qu’aujourd’hui, avec le nombre de transactions financières possibles en une minute (grâce à la politique Reagan/Thatcher évoquée dans le documentaire), ce sont les banques qui ont besoin de cash (avec la crise) qui vont chercher l’argent à blanchir… il faut le voir pour le croire.

    Il est en rediffusion le 6 octobre, je crois sur la 5 à 00h45 encore http://www.france5.fr/et-vous/France-5-et-vous/Les-programmes/LE-MAG-N-37-2012/articles/p-16643-Argent-sale-le-poison-de-la-finance.htm

    Et dire qu’on a une bande de représentants du peuple soit disant qui les élisent pour nous protéger… et qui permettent cela depuis 20 ans en nous ventant l’Union Européenne et la libre concurrence en omettant de nous parler du principe vicié de la dette publique qui étrangle et tiennent en tenaille aujourd’hui tous les gouvernements. J’aime beaucoup l’exposé d’Étienne CHOUARD qui explique comment il a enseigné cela pendant ds années au étudiants de première année sans se poser de question : http://www.youtube.com/watch?v=FxzQrPmTClg

    Et là, avec cela, tu touches du doigt Le point de vue adopté par Jean-Léon Beauvois et celui de sa discipline : la psychologie sociale.

    Traité de la servitude libérale, analyse de la soumission. Il y propose une corrosive analyse de la soumission à partir des travaux les plus récents relatifs aux comportements sociaux. Contrairement aux idées reçues, le libéralisme agit comme une idéologie : une certaine psychologie s’est substituée aux religions et aux doctrines pour doter la soumission de significations individuelles qui permettent et justifient l’exercice du pouvoir libéral. Les enfants apprennent dès l’école qu’ils sont des individus, qu’ils doivent s’autonomiser ; on leur enseigne à mettre la liberté individuelle au sommet de la hiérarchie des valeurs ; on vante les mérites de la responsabilisation, de l’individualisation, de l’identité personnelle. Ce livre analyse l’alliance de la démocratie comme mode de pouvoir et du libéralisme comme idéologie. L’auteur montre que cette alliance a de longue date infecté les systèmes démocratiques d’une forme nouvelle du virus de la  » servitude volontaire « . Les serfs sont aujourd’hui des individus consommateurs dont l’identité culturelle se limitera bientôt à leur position sur l’échelle des revenus : la servitude est devenue libérale.
    http://www.amazon.fr/Trait%C3%A9-servitude-lib%C3%A9rale-Analyse-soumission/dp/2100024671

    et les techniques de propagande glauque : un petit retour vers l’université, un cours de JL BEAUVOIS http://www.youtube.com/watch?v=7K0Sbr0mqHg

    Avec mes amitiés et mon encouragement à t’accorder le temps de ces connaissances,

    Valérie

  3. Carole Blancot
    Carole Blancot dit :

    Oui merci Valérie, j’ai visionné la vidéo sur Goldman Sacks la semaine dernière et l’ai même diffusée sur mes comptes médias sociaux.
    Cordialement

  4. CHENARD
    CHENARD dit :

    En complément de mon post précédent, je rajouterai juste la référence à l’interview de C. DEJOURS ( http://www.dailymotion.com/video/xb0fwk_penser-le-travail-une-urgence-polit_news ).

    Avoir cette grille de lecture socio-historique et les enjeux sous-jacents sont fondamental pour des professionnels et une profession (psychologue) qui sont voués à protéger et faire respecter la dignité et dimension psychique de chacun.

    Merci, Carole pour ta question et de t’interroger sur le cadre.
    J’ai trouvé un cours d’économie qui explique très clairement l’histoire du libéralisme et ses fondements ainsi que la dernière évolution qui a poussé la doctrine à son extrême : la dérégulation financière totale (et celle de tous les marchés) appelé ultra ou néolibéralisme promu par REAGAN TATCHER (FMI, OMC, Union Européenne depuis le tournant des années 90).
    Voici l’accès à l’évolution de la pensée économique libérale (1h) : http://www.youtube.com/watch?v=lq1WYePtF-M
    je te conseille de prendre connaissance du documentaire d’ARTE diffusé il y a 2 semaines « Goldman Sacks, la banque qui dirige le monde » http://www.arte.tv/fr/goldman-sachs-la-banque-qui-dirige-le-monde/6820372,CmC=6891612.html

    Pour avoir un aperçu de l’impact de cette financiarisation économique (organisation économique mondialisée néolibérale), je trouve que cette interview de Frédéric LORDON économiste, écrivant dans le Monde Diplo est remarquable notamment sur la pression actionnariale qui touche même les PME… à écouter : http://www.youtube.com/watch?v=E97aXFNJcz4

    un petit investissement en temps qui permet de comprendre la dynamique et interactions systémiques de cette organisation mondialisée. d’autant plus évident pour nous qui sommes psychologues sociaux et donc spécialisés sur les influences et interactions entre le social et les individus.

    Bien d’autres facettes sont explorables mais je pense qu’avec ces références là, je répond à ton interrogation. N’hésites pas, si je peux te faire partager les recherches que j’ai fait en tant que psychologue social sur ce basculement des valeurs et sens sociétal.

    Cordialement,

  5. CHENARD
    CHENARD dit :

    Bonjour, Carole,
    Merci de continuer la discussion. le problème, vient du fait que, les entreprises ne sont pas dans une recherche de l’intérêt général mais sont mues (et détruite aussi) par la seule loi de concurrence et loi de la jungle. A ces fins de survie économiques, elles utilise la science (comme le neuro marketing et sciences cognitives et sociales) pour assurer leur intérêt au détriment des autres et de ‘intérêt même des consommateurs et même de la planète. Il n’y a qu’à voir le phénomène du Greenwashing. certes, la science est un outil utile aux projets de toute sorte et particulièrement les connaissances permettant de manipuler l’opinion publique et les « masses ». Mais les médecins / chercheurs financés par Hitler pour travailler sur l’ADN, se sont-ils réellement demander quel impact social et quel objectif ils servaient vraiment?

    je vous conseille, un ouvrage extraordinaire d’un de nos confrère canadien, Michel PERREAULT : « je ne suis pas une entreprise – guide de survie personnelle au XXI° siècle ». Il a travaillé longtemps dans le marketing et il sait de quoi il parle avec des cas concrets et statistiques terrifiantes sur l’impact du marketing comme un véritable problème de santé publique.

    De plus, titre III, chapitre 1 du code de 1996 :

    Article 3
    La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur la composante psychique des individus, considérés isolément ou collectivement.

    De fait utiliser les connaissances sur son cerveau (failles) pour squizer son choix en toute connaissance de cause pour servir les intérêts privés d’actionnaires qui recherchent à vendre toujours plus en ne lui présentant que des infos le détournant des réelles informations susceptible d’éclairer son choix, est de la manipulation mentale et les psychologues (même s’ils n’y sont pas obligés par un code ou Ordre car l’Etat ne régule pas la profession et ‘utilisation de ces connaissances très sensibles) ne doivent pas servir en son âme et conscience à duper les gens.

    Je trouve même choquant que cette réflexion de base sur la fonction sociale du psychologue face à la demande sociale ne soit pas abordée en fac… elle est pourtant centrale à propos de l’identité professionnelle et le rôle social que nous jouons en tant qu’individu et groupe professionnel. Et elle se corse depuis l’adoption du système néolibéral avec l’Union Européenne qui ne reconnait les règles d’intérêt général que comme étant assujetties à celles des marchés (intérêts financiers privés).

  6. Carole Blancot
    Carole Blancot dit :

    Valérie,
    Après avoir visionné cette vidéo que tu nous recommandes : http://www.dailymotion.com/video/xseemc_le-marketing-est-une-arme-de-destruction-massive-thomas-coutrot_news
    je reste sur ma fin je l’avoue. Le propos est peu voire pas du tout argumenté. Le point de vue me semble simpliste.
    Je crois que le point de vue de Paulina est davantage d’indiquer en quoi la psychologie, dans le sens de la « science du comportement », peut aider marketeurs, publicitaires et consommateur à disposer d’une autre grille de lecture de nos phénomènes plus ou moins conscients et motivations à l’achat.
    Il ne s’agit pas de considérer que le psychologue est instrumentalisé pour mieux manipuler les acheteurs et encore moins d’inviter psychologues et autres professions à exercer marketing et publicité au détriment de notre code déontologique.
    Enfin, honnêtement, si les entreprises n’innovent pas, ne créent plus de produits, services ou richesses, il n’y aura pas de nouveaux emplois et pas davantage de travail pour les ergonomistes notamment.
    Cordialement
    Carole

  7. CHENARD
    CHENARD dit :

    Vous parlent-t-ils encore en fac de la déontologie, et du respect de la dignité des personnes? Je suis atterrée de voir que les jeunes générations de psychos sont obligés de vendre leurs connaissances du psychisme humain pour asservir les personnes à des intérêts privés nuisibles à toute libre concurrence. le marketing est une arme de destruction massive selon les propres termes de ce collectif d’économistes :

    http://www.dailymotion.com/video/xseemc_le-marketing-est-une-arme-de-destruction-massive-thomas-coutrot_news

    c’est tout bonnement participer à de la manipulation de masse! et c’est contraire à tout éthique et déontologie si on se sens un tant soit peu responsable socialement de ses actes.
    Le neuro marketing est l’exemple typique de l’utilisation des mécanismes psychiques pour déclencher le réflexe d’achat à leur insu; CASH INVESTIGATION y a consacré une émission (à ne pas louper!). savoir que ces théories sont utilisées pour faire sa pub par des étudiants en psycho…jll Beauvois ne doit pas en dormir!!!!

    J’ai vraiment l’impression que la carte psychologie n’est plus utilisée que comme atout, vide de sens éthique pour l’intérêt général, pour avoir le marché. Un arguement marketing… pourtant, la profession avait une mission de progrès social réel que malheureusement plus aucune praticien ne porte plus.

  8. Nicolas CROCHET
    Nicolas CROCHET dit :

    Merci pour l’article. Il est très agréable à lire.

    L’étude de la cognition a un impact très important dans la publicité et le marketing.

    Je pense qu’elle doit être aussi prise en compte lors de la conception de produit ou service. L’Homme perçoit avant tout, ce qui explique certainement le succès du Design ces quinze dernières années.

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