CR de Colloque sur les souffrances au travail du 24/06/2010 par Ariel SIMONY

J’annonçais par cet article qu’un Colloque sur les souffrances au travail se tiendrait le jeudi 24/06/2010.
Hélas, mon emploi du temps ne m’a pas permis de répondre positivement à l’invitation pour y participer. Par chance, Ariel SIMONY (Psychologue du travail), a pris connaissance de mon article, a pu s’y inscrire, s’y rendre et enfin m’adresser le compte-rendu ci-dessous.

Ce colloque, qui s’est tenu au palais du Luxembourg, a été organisé par :

  • Tour d’Europe (association loi 1901 créée dans le but d’organiser des colloques sur des faits de sociétés),
  • avec le soutien de Intelligence RH (site d’informations, de discussion, de rencontre et d’échange au quotidien sur l’actualité juridique et sociale RH et sur les dernières évolutions en matières de stratégie et de management RH),
  • sous le haut parrainage de Mme Isabelle Debré (sénateur des Hauts de Seine et Vice président de la commission des affaires sociales) pour communiquer et échanger sur le travail « en souffrance « et la souffrance « au travail ».

Étaient invités à ce colloque des « acteurs au cœur de l’entreprise », des «acteurs en périphérie de l’entreprise » et aussi des « acteurs extérieurs à l’entreprise ».

  • Parmi les acteurs ‘au cœur de l’entreprise’ :

  • Directeur général adjoint chargé du dialogue social et des ressources humaines de Radio France (Patrice Papet)
  • Syndicaliste CGT (Marie-France Boutroue)
  • Délégué syndical CFE-CGC/Unsa chez France Télécom (Sébastien Crozier)
  • Directeur du développement entreprises, branches et partenariats du Groupe Mornay (Pierre Cellot)
  • Président de la Commission stress ANDRHM (Jean-Ange Lallican)
  • Parmi les ‘acteurs en périphérie de l’entreprise’ :

  • Inspecteur du travail (Jérôme Cauet)
  • Psychologue du travail à l’AMSN – Service interentreprise de santé au travail à Rouen (Carole Michiels)
  • Avocat au barreau de Paris (Valérie Hachette)
  • Directeur du travail, conseiller technique à la sous direction des conditions de travail de la Direction Générale du Travail (Hervé Lanouzière)
  • Secrétaire Général de l’Observatoire du stress et des mobilités forcées à France Télécom – Orange (Pierre Gojat)
  • Parmi les ‘acteurs extérieurs à l’entreprise’ :

  • Médecin et consultant (Philippe Rodet)
  • Maître de Conférences UPXIMme (Joëlle Surply)
  • Chargée de missions à l’ARACT IDF (Christine Stiévenard)
  • Avocat au barreau de Paris (Sylvain Roumier)
  • Consultant et Co-auteur de L’open space m’a tuer  (tué) (Alexandre Des Isnards)

Il m’a semblé que tous étaient « relativement » en consensus sur cette catégorisation et les différents acteurs qui la composent. Certains ont néanmoins précisé que « périphérique » ou « extérieur » ne voulait pas dire « exclus ».

En revanche pour ce qui concernait le « fond du problème », j’ai eu l’impression que les avis étaient moins consensuels : Pas de définition COMMUNE du TRAVAIL, de la SOUFFRANCE, du STRESS ou même de l’HISTOIRE du TRAVAILLEUR !

J’avais l’impression que chacun donnait son point de vue sans nécessairement considérer celui de son voisin et sans retenir l’avis des participants après chaque intervention.

J’avais UN PEU l’impression de MONOLOGUES alignés les uns aux autres. Cela dit, tout ce qui se disait était INTÉRESSANT car  permettait de constater le DEGRÉ DE DÉSACCORD des uns et des autres sur un certain nombre d’éléments CENTRAUX relatifs à la problématique de SOUFFRANCE AU TRAVAIL.

Pour résumer les différentes interventions

  • Certains se permettent de parler du STRESS sans même connaître sa définition, raison d’être, « utilité » ou conséquences.
  • Est « recommandé » par certains le TRAC, sans pour autant qu’il soit distingué de la peur, de l’angoisse, ou de l’anxiété.
  • Sont convaincus « certains » que « la commission » (au sens du pourcentage que reçoit un intermédiaire sur une opération) est une clé SUFFISANTE de MOTIVATION pour l’homme au travail, sans même connaitre la différence entre « motivation intrinsèque et extrinsèque ».
  • Existent encore des EXPÉRIMENTATIONS manipulant les salariés afin d’étudier leurs réactions face à une pratique managériale pour « optimiser » (disent-ils) la performance.
  • Certains considèrent l’humain comme UN COMPÉTITEUR, sans le distinguer d’un homme en compétition » (introduisant l’idée que « de nature » et « éternellement » « l’homme est un loup pour l’homme »).
  • L’HUMAIN pour certains serait PÉRIPHÉRIQUE et non CENTRAL en considérant que c’est l’homme qui doit être au service d’une technique et non la technique qui doit être au service de l’homme (point de vue d’un manager n’étant pas de formation psychologue et considérant « à peine » le fonctionnement humain dans toute sa « complexité » et « singularité »).
  • La solution proposée par certains pour répondre à la souffrance du travailleur serait (accrochez vous bien !) une formation du manager à « l’écoute ». Comme si cela était essentiellement « technique » et qu’un module de quelques heures suffirait pour résoudre le problème et se « débarrasser des psychologues ».
  • Les tests d’évaluations des risques psychosociaux sont très controversés par des « passeurs » NON PSYCHOLOGUES.
  • Le coaching de magazine, la psychologie populaire et la psychothérapie de charlatans sont  très tolérés par certains.
  • La compétition serait (selon certains) INCOMPATIBLE avec LE COLLECTIF.
  • Une personne (dont l’identité est gardée ici confidentielle) considère que L’HOMME N’A PAS TOUJOURS TRAVAILLE, se représentant le travailleur comme « un fonctionnaire d’un système socioprofessionnel, payé par virement sur son compte bancaire et pouvant aller voir son syndicat à chaque fois qu’il n’est pas CONTENT », par opposition à « l’homme de néandertal qui va a la chasse, qui n’a pas de salaire ou de syndicat et qui DONC ne travaillerait pas !!!?).
  • Une personne (dont l’identité est gardée ici confidentielle) qualifie le discours politique et managérial de VIDE en utilisant le terme VACUITÉ tandis qu’il était entrain de DORMIR pendant que les autres intervenaient et qu’il n’écoutait pas ce qui était dit!!
  • Une personne (dont l’identité est gardée ici confidentielle) affirme que « ce qui se vit actuellement dans le travail n’a pas de sens » !!!!! SANS MÊME SE DEMANDER SI, PEUT ETRE,  CA NE SERAIT PAS « UN SENS QUI LUI ÉCHAPPE!!! »
  • Une personne (dont l’identité est gardée ici confidentielle) pense que l’unique problème à toute la souffrance est une question de « valeurs » qu’il s’agit de réintroduire. Comme si les valeurs n’existaient pas ou plus, qu’il n’y pas de conflits de valeurs et que ce serait les valeurs qui seraient LES UNIQUES responsables du fonctionnement psychologique !!!
  • Une personne (dont l’identité est gardée ici confidentielle) différencie l’animal de l’homme par LE TRAVAIL, considérant que l’animal ne travaille pas (n’ayant pas sa paie à la fin du mois ?)

Ce qui m’apparait rassurant

  • Certains sont convaincus qu’il faut mettre des dispositifs d’écoute (même s’ils ne reconnaissent pas que les psychologues en sont les EXPERTS).
  • Certains considèrent qu’il faut des moyens techniques et humains pour « prévenir » ou « guérir » la souffrance au travail (dispositifs d’écoute pris ici en compte).
  • Certains connaissent bien les théories et recherches SÉRIEUSES sur les risques psychosociaux en citant des auteurs et des modèles (sans pour autant être psychologue de profession).

Ce sur quoi il faudrait s’appuyer

  • Le salarié français est l’un des plus productifs au monde.
  • Les travaux d’Yves CLOS apparaissent « reconnus et adaptés » pour intervenir dans le monde du travail (encore faut-il parvenir à en dégager des « outils » fiables !).
  • Le rapport de Valérie Pecresse est mentionné pour considérer la mise en place de dispositifs d’évaluation et d’accompagnement à la prévention/réduction des risques psychosociaux.

Ce qui m’apparait inquiétant

  • Dans un service inter-entreprise regroupant 7.000 entreprises, 83.000 salariés sont accompagnés par 3.400 médecins (soit 1 médecin pour 24,4 salariés) et 2 psychologues (soit 1 psychologue pour 41.500 salariés).
  • NOMBREUX n’ont pas compris que le psychologue du travail devenait AUJOURD’HUI INCONTOURNABLE DANS et POUR l INTERVENTION DES RISQUES PSYCHOSOCIAUX: Sa connaissance du terrain mêlée à sa connaissance de l’humain lui permet d’appréhender ce qui peut échapper à BEAUCOUP d’acteurs : la question relative a la place de l’être humain dans le système et non la place d’un système dans l’être humain.
  • Certains RÉDUISENT l’HOMME à DES COMPETENCES. ILS IGNORENT/NÉGLIGENT/DÉFORMENT/TRANSFORMENT la perception qu’ils ont de l’homme en ne considérant ni son potentiel (au delà de la compétence existante ACTUELLE), ni ses motivations (au delà des compétences naissantes ou existantes).
  • certains ne font pas la différence entre prévention, réduction ou diagnostic des risques PSYCHO sociaux considérant que « ça revient au même!, il faut agir! » et que « le stress ça ne se gère pas, ça se réduit! »

Ce qui apparaitrait utile

  • une plus grande collaboration entre l’inspecteur du travail, la médecine du travail, le psychologue du travail et les membres du CHSCT.
  • une meilleure considération du HARCELEMENT pris aujourd’hui dans un sens plus large , nécessitant, du coup, plus de précautions et précisions pour l’emploi du terme.
  • une meilleure prise en compte JURIDIQUE du travail « déguisé » dans l’entreprise.
  • Un (re)développement d’espaces collectifs d’échanges entre les salariés.
  • une VIGILANCE à accorder au travail et à la vie sociale par INTERNET, notamment lorsqu’il s’agit de communiquer « certaines » informations à « certaines » heures (référence à la boite mail ou à des réseaux comme facebook).
  • une plus grande introduction du JURIDIQUE dans les relations INTERPERSONNELLES.

Ce qui est à l’ordre du jour

  • Un souhait des PME à être considérées sur le plan des difficultés qu’elles traversent, NOTAMMENT en ce qui concerne LA SOUFFRANCE AU TRAVAIL (la loi de Février 2010 ne couvrant que les entreprises de plus de 1000 salariés).
  • un nécessité de PRÉVENIR la souffrance au travail et l’exclusion du travail NOTAMMENT (mais pas que seulement !) en anticipant POUR LES ENTREPRISES DE PLUS DE 300 Salariés la transformation de l’emploi et l’activité appuyée par loi « 24 JUIN 2010 » sur la GPEC.

Ce qui pose question

  • Comment agir sur le travail quand certains ne sont même pas capables de savoir ce qu’est le travail ?
  • Comment évaluer, légitimer, justifier, prévenir ou réduire la souffrance au travail lorsque sur le plan légal il n y a pas de définition claire et objective de la santé mentale ou même de l’action du psychologue ?
  • Comment DÉCIDER des acteurs qui DOIVENT agir sur la souffrance au travail lorsqu’on sait que ceux qui DISCUTENT et FABRIQUENT LES LOIS ne sont pas représentatifs de TOUS LES ACTEURS POTENTIELLEMENT EN MESURE D AGIR (NOTAMMENT LES PSYCHOLOGUES – A ne pas CONFONDRE avec PSYCHIATRES). Heureusement que TOUR EUROPE a pu considérer le psychologue au travail Même SI DANS SON EQUIPE ELLE NE DISPOSE PAS d’un PSYCHOLOGUE.
  • Comment RÉFLÉCHIR sur les MOYENS LÉGAUX et VALIDES pouvant réduire/prévenir la souffrance au travail lorsque d’entrée de jeu il y a CONFLIT sur les tests à utiliser, les acteurs à considérer et les objectifs à atteindre ?
  • Comment agir sur la souffrance au travail sans « SE CONSIDÉRER SOI MÊME » EN SOUFFRANCE ? (ne pas réagir qu’avec SON expérience mais plutôt ses compétences pour pouvoir agir JUSTEMENT).

Ce qui semble urgent

  • Faire connaitre et développer la connaissance des notions centrales et DE BASE associés à la souffrance PSYCHOLOGIQUE au travail : c’est-à-dire au minimum les termes de TRAVAIL, STRESS, HARCELLEMENT et PSYCHOLOGUE (certains assimilent encore ce dernier à un « écoutant passif qui s’occupe des fous !!! »).
  • Identifier et développer la collaboration PLURIDISCIPLINAIRE pour intervenir sur la souffrance au travail, en considérant notamment le CHSCT, l’INSPECTEUR DU TRAVAIL ET LE PSYCHOLOGUE DU TRAVAIL.
  • Identifier et développer la FORMATION des ACTEURS au sein et en périphérie de l’entreprise, NOTAMMENT CEUX QUI ONT UN POUVOIR SUR L’ORGANISATION DU TRAVAIL (qui, au passage, devient de plus en plus COMPLEXE). Particulièrement les représentants des différents syndicats qui MALHEUREUSEMENT ont une vision TRÈS RÉDUITE DU MONDE DU TRAVAIL ACTUEL et qui en pâtissent.
  • Alerter les pouvoirs publics sur la vision tronquée de « certains » acteurs professionnels qui RALENTISSENT et PERTURBENT la mise en place de systèmes SÉRIEUX et EFFICACES d’intervention.
  • Réagir à ce compte-rendu bénévolement mis à la disposition de tous par Ariel SIMONY.

Ariel SIMONY

NB – liens utiles